Feng Shui : Principes, Histoire, Applications et Débats d’un art de l’harmonisation de l’espace

juin 21, 2025
Léna Roussel
Ecris par Léna Roussel

Passionnée par la décoration, l’aménagement intérieur et les astuces pratiques pour la maison. Chaque jour, je partage avec vous mes conseils simples et efficaces pour transformer votre espace de vie en un lieu agréable, fonctionnel et chaleureux.

Comprendre le Feng Shui : Origines, Principes et Objectifs

Histoire et fondements du Feng Shui

Le Feng Shui, littéralement « vent et eau », s’enracine dans la tradition chinoise plus de 4000 ans avant notre ère, nourri par le désir d’interpréter les cycles naturels et de capter l’énergie — ce fameux Qi (ou Chi) — profitant aux êtres autant qu’aux lieux de vie. Si l’on remonte aux premières civilisations, certains chercheurs établissent même des parallèles très vagues avec des pratiques d’observation de l’espace utilisées en Mésopotamie. Mais c’est essentiellement en Chine que la discipline prend forme, comme un art géomantique ancré dans le Yi Jing (Livre des changements) et la philosophie de l’interdépendance.

Dès les dynasties Tang et Song, cette discipline était l’apanage des élites impériales ; elle orientait l’emplacement des palais, des tombeaux, et influençait autant la structure des villes que la disposition des résidences privées. Le savoir transitait parfois directement de maître à élève, certains noms traversant les siècles : Fu Hsi, Guo Pu, Yang Junsong pour ne citer qu’eux. Sous la dynastie Qing, le Feng Shui s’ouvre au plus grand nombre, s’intégrant jusque dans l’architecture publique et le mode de vie quotidien. À travers la transmission, la relation maître/apprenant restait essentielle, avec une ritualisation parfois très codifiée.

Son expansion connaît des phases de restriction, comme sous la République populaire de Chine et l’ère Mao, alors que son influence demeure vivace à Hong Kong. Là, la silhouette urbaine, les contrats immobiliers mais aussi des quartiers entiers affichent une lecture du Qi jusque dans les écoles et les centres d’affaires. En Occident, à la fin du XXe siècle, grâce à des vulgarisateurs comme Lillian Too, le Feng Shui contemporain s’est imposé dans des milieux parfois inattendus : grandes entreprises, hôtels, sièges sociaux, jusqu’aux banques ou certains bâtiments publics.

Voici un aperçu synthétique des principales étapes du développement du Feng Shui :

ÉpoqueÉvénements majeursPersonnages/Cités
AntiquitéOrigine dans la géomancie ; premières mentions dans le Yi Jing (Livre des changements)Empereur Jaune, Fu Hsi
Dynastie Tang (618-907)Institutionnalisation, guides impériaux ; Guo Pu établit des traités sur le Qi et la topographieChang’an, Guo Pu
Dynasties Song et YuanDiffusion parmi les lettrés, raffinement des calculs, apparition du Luo Pan et du BaguaYang Junsong, Yi Hang
Dynastie QingDémocratisation, applications publiquesJia Da Hong, Xu Jenwang
XXe siècleCensure (République populaire de Chine), puis renaissance à Hong Kong, diffusion en OccidentMao Zedong, Lillian Too
Aujourd’huiInternationalisation, formations, applications en France, Monaco, États-Unis et SingapourSofitel, Bouygues Télécom, Shell

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Pour saisir les tournants majeurs de l’histoire du Feng Shui, il n’est pas inutile de s’intéresser aussi à la façon dont la relation entre topographie du terrain et réussite des descendants est ancrée dans les légendes fondatrices du Feng Shui — un facteur encore cité par certains maîtres.

Les principes clés du Feng Shui

Au cœur de la pratique du Feng Shui réside la circulation du Qi (Chi), cette énergie vitale supposée organiser aussi bien notre environnement bâti que la nature elle-même. D’après la philosophie chinoise, le Qi oscille sans cesse entre les pôles Yin et Yang, qu’il s’agisse de lumière et d’ombre, d’activité et de repos — l’objectif restant de chercher un équilibre subtil, ni trop figé, ni trop instable.

Les maîtres Feng Shui utilisent des concepts et outils majeurs, qui sont transmis de génération en génération :

  • Le Bagua (Ba Gua) : une figure octogonale ou carrée, déclinée en ciel antérieur et postérieur selon la tradition, qui segmente l’espace en huit secteurs reliés aux grands domaines de l’existence (relations, énergie, prospérité, etc.).

  • La théorie des Cinq Éléments (Wu Xing) : Bois, Feu, Terre, Métal, Eau — chacun avec ses caractéristiques, couleurs, matières, associations psycho-spatiales, intervenant dans le cycle de création/destruction qui régule l’équilibre global.

  • La boussole géomantique Luo Pan et le carré magique Lo Shu : véritables pièces d’artisanat, ces instruments permettent de déterminer orientations, énergies favorables ou défavorables, parfois selon des cycles temporels complexes (notamment en Xuan Kong).

  • Les écoles classiques et modernes : San He, San Yuan, Ba Zhai, Xuan Kong, chaque courant ayant ses méthodes — parfois de véritables labyrinthes de calculs, pas toujours accessibles d’un simple coup d’œil.

Certains courants contemporains suggèrent également une analyse spatiale plus intuitive, croisant les méthodes traditionnelles et une approche de la psychologie de l’habitat, questionnant la relation être-habitat et l’impact subjectif des lieux sur le ressenti quotidien.

Voici quelques repères fondamentaux :

  • Observer le Qi, ressentir la qualité de l’espace et ajuster ses flux

  • Maintenir le jeu des contraires Yin et Yang par l’éclairage, les formes, l’activité — parfois même via l’agencement du mobilier et des rangements

  • Superposer le Bagua pour révéler les zones essentielles

  • Orchestrer les Cinq Éléments à travers mobilier, matières, teintes, voire les plantes et objets décoratifs

  • Affiner l’orientation et l’équilibre grâce à la boussole Luo Pan ou au carré Lo Shu selon les besoins et traditions scolaires

  • S’inspirer tant des écoles historiques que des adaptations contemporaines, selon le contexte et la culture locale

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Quand on s’y attarde, chaque principe révèle une articulation complexe entre les schémas ancestraux et un ressenti subjectif, parfois insaisissable, de l’harmonie chez soi ou au travail.

Techniques et mise en pratique : harmonisation de l’espace

Méthodes d’analyse et d’application du Feng Shui

La mise en œuvre du Feng Shui commence par une lecture attentive de l’environnement, adoptant différents schémas d’analyse spatiale selon les situations. Il s’agit souvent de repérer les points forts, les faiblesses ou les zones bloquées sur le plan énergétique, puis de proposer des « remèdes » adaptés.

Les étapes clés du diagnostic :

  • Mesurer précisément l’espace à l’aide de la boussole géomantique Luo Pan (et parfois calculer le « Kua » de l’occupant)

  • Installer le Bagua ou le carré Lo Shu en fonction des axes cardinaux, ou en suivant la « méthode de la porte » dans le Feng Shui occidental simplifié

  • Observer la circulation du Qi, identifier pertes et congestions d’énergie vitale, sans négliger le ressenti global du lieu (odeurs, température, lumière)

  • Identifier les pièces stratégiques : chambre, séjour, lieux de travail, parfois même des « secteurs manquants »

  • Repenser la circulation, bouger le mobilier, ouvrir les perspectives ou décloisonner certains espaces pour que l’énergie circule librement

  • Appliquer la logique des Cinq Éléments (création/destruction), avec parfois l’intention de « retirer les mauvaises énergies »

  • Corriger les faiblesses sectorielles : utilisation de miroirs, plantes, objets symboliques, ou parfois introduction de couleurs spécifiques selon l’élément dominant

  • Intégrer d’autres approches telles que l’aromathérapie, la purification par la fumée (autrefois courante), voire le soin des éclairages

Quelques adaptations fréquentes :

  • Plantes vivantes pour revitaliser un secteur Bois en perte de vitesse

  • Miroirs pour élargir un espace ou détourner une énergie défavorable (attention à l’effet « rebond » dans certaines écoles…)

  • Teintes chaudes pour dynamiser le séjour, tons plus doux pour apaiser la chambre

  • Alléger les couloirs, enlever les obstacles, afin de favoriser la bonne circulation du Qi. Ce réflexe rejoint parfois les principes du désencombrement moderne.

Après plusieurs tentatives, il arrive que certains découvrent des bénéfices insoupçonnés — ou simplement un nouveau confort, qui tient autant de la cohérence fonctionnelle que de l’ambiance invisible.

Applications concrètes dans l’habitat, les bureaux et l’espace public

On l’imagine souvent réservé au domicile privé, alors que le Feng Shui contemporain infuse aussi bien les espaces de travail que l’urbanisme. À Hong Kong ou Singapour, la configuration d’édifices emblématiques — telle la Bank of China, le campus Shell ou l’aéroport de Changi — répond à des préoccupations spatiales dictées par des maîtres Feng Shui consultés très officiellement. Certains grands groupes français (Bouygues Télécom, Sofitel…) s’inspirent eux aussi de ces logiques, parfois guidés par des consultants ou formateurs reconnus localement.

Ce qui frappe, c’est la diversité des applications :

  • Éviter d’aligner le lit sur la porte, le placer à distance pour apaiser l’énergie la nuit — un conseil souvent évoqué dans les cours de formation.

  • Positionner le bureau dos au mur et tourné vers la porte, pour renforcer l’assurance et la concentration (cette règle est reprise par plusieurs enseignants célèbres).

  • Répartir les couleurs et matières selon l’élément dominant, en adaptant aux usages des secteurs (cuisine, salle de bains, séjour…).

  • Écarter toute « agression » visuelle dans les espaces de passage, arrondir les lignes du mobilier, supprimer le superflu.

  • Intégrer la végétation, limiter l’accumulation d’objets, soigner l’organisation de l’entrée.

Dans les faits, plusieurs sociétés internationales illustrent le recours au Feng Shui : Yahoo, Cathay Pacific, British Airways à Hong Kong, mais aussi Mark & Spencer ou N.M. Rothschild à Singapour y ont eu recours pour penser leurs locaux. Même des aménagements publics comme le hall de l’aéroport Charles-de-Gaulle à Paris se sont inspirés des recommandations pour fluidifier la circulation, aussi bien physique qu’énergétique.

En bout de course, la transformation peut se faire à petite échelle — un simple ajustement de placard ou d’éclairage — ou mobiliser toute une équipe de praticiens et de designers, selon le degré d’exigence et la culture locale.

Notre opinion

Réduire le Feng Shui à une simple question de décoration serait passer à côté de son ampleur. Bien loin du folklore, cette architecture énergétique constitue un outil d’analyse des relations subtiles entre bien-être, perception et organisation spatiale. L’intégration de critères objectifs (lumière, tracé des circulations, texture des matériaux) avec l’expérience vécue des habitants touche presque à l’acupuncture de l’habitat : il s’agit d’aller réharmoniser ce qui ne se « voit » pas. Les preuves scientifiques restent débattues — il n’existe notamment pas encore de corrélation prouvée entre Feng Shui et santé publique, même si, dans certains contextes, des études statistiques (en Chine, à Singapour ou Hong Kong) évoquent une influence sur la valeur immobilière et le bien-être perçu.

En fait, cette tension entre ressenti subjectif d’un lieu et rationalité architecturale fait du Feng Shui une zone d’expérimentation à part, où se croisent psychologie de l’environnement, usages culturels et intuitions millénaires.

Débats, évolutions et représentations du Feng Shui

Feng Shui classique, dérives et perspectives contemporaines

Le Feng Shui ancestral a la réputation d’être complexe et rigoureux — il exige du temps, de la précision, et parfois des calculs pointus auxquels même certains praticiens aguerris se confrontent avec humilité. Pourtant, la forte médiatisation de ces dernières décennies, que ce soit via la version new age ou de simples livres de recettes, a lentement fait évoluer la discipline vers une version simplifiée, commercialisable, parfois très éloignée de la tradition. On parle même, chez les maîtres formateurs, de Feng Shui contemporain pour désigner ce courant hybride.

Cette évolution pose la question de la légitimité des intervenants. Quelques noms sont devenus incontournables chez les enseignants célèbres : Lillian Too, Hiria Ottino, et certaines écoles établies à Monaco ou à Singapour, connus pour offrir des cursus complets et des stages de haut niveau. À l’inverse, la multiplication des consultants sans certification soulève de plus en plus de critiques, tant en France qu’ailleurs.

Avant de se lancer, mieux vaut donc vérifier la certification ou la réputation du formateur — y compris le lien avec des forums ou salons professionnels du Feng Shui contemporains, qui contribuent à encadrer la profession et diffuser les bonnes pratiques.

Limites scientifiques et critique du Feng Shui

La scientificité du Feng Shui reste sujette à discussion. Nombre d’analyses académiques se rangent du côté de la rationalité, classant le Feng Shui parmi les pseudo-sciences, mettant en exergue le manque de validation empirique ou statistique sur la santé, l’efficacité professionnelle, voire la prospérité. Malgré tout, l’expérience quotidienne montre que beaucoup d’usagers perçoivent un accueil différent, un mieux-être ou un rapport apaisé à l’habitat — il suffit d’assister à un atelier ou à une consultation pour entendre des témoignages parfois troublants, malgré l’absence de preuve chiffrée.

Les chercheurs en psychologie de l’environnement commencent à croiser ces ressentis subjectifs avec des concepts modernes : disposition du mobilier, interactions entre l’usager et son environnement, importance du décor symbolique, etc. Les impacts concrets sur la santé publique seront-ils jamais validés ? Rien n’est moins sûr, mais la popularité de la démarche ne se dément pas.

Pour aller plus loin, on trouve sans mal des lectures croisées, parfois inattendues, sur les liens entre énergie, environnement et expérience du vécu — au croisement du développement personnel et de l’acupuncture du bâti.

Optimiser et ressentir son intérieur par le Feng Shui

Conseils pour créer un environnement harmonieux selon le Feng Shui

Créer une ambiance harmonieuse ne se résume pas à suivre des formules. Chaque lieu, chaque bureau, chaque appartement possède sa dynamique propre ; il s’agit donc de composer, tester, ajuster, parfois de retirer une énergie négative ou d’appliquer un remède symbolique, jusqu’à sentir une différence, même minime. Quelques pistes éprouvées :

  • Désencombrer les pièces et préférer un intérieur ouvert, ce qui offre un reset énergétique naturel

  • Nettoyer régulièrement l’air et les surfaces (on y voit parfois une forme de purification, héritée de rituels plus anciens)

  • Répartir harmonieusement les Cinq Éléments à travers les couleurs, matières, mobilier, textiles, petites touches végétales

  • Garder les passages libres pour faciliter la circulation du Qi — et, disons-le, pour simplifier la vie quotidienne

  • Choisir l’emplacement du lit ou du poste de travail d’après son secteur Bagua ou en s’appuyant sur les recommandations d’un praticien expérimenté

  • Installer des plantes vivantes, à la fois pour vitaliser un coin fatigué et purifier l’air (on rapporte même que certains types de végétaux, selon la tradition, seraient à privilégier suivant l’orientation de la pièce)

  • Minimiser les angles tranchants ou saillants, réputés propager du Shar Chi (énergie blessante) — même si dans un studio moderne, c’est pas toujours évident

  • Viser une décoration simple, apaisante, où chaque objet a sa place mais où la personnalité du lieu demeure

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Faire intervenir un spécialiste certifié ouvre souvent sur un accompagnement plus profond : la réorganisation va jusqu’à l’analyse fine des interactions et des ressentis, au-delà des simples meubles déplacés. Parfois, un détail suffit à transformer l’atmosphère – à condition d’accepter de tâtonner et d’observer, au fil des jours, le nouvel équilibre s’installer.